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Coopérer dans la nature : un pour tous, tous pour un !

Dans la nature, la coopération est un principe fondateur de diversité, complexité et résilience, qu’il s’agisse de collaboration entre les membres d’une même espèce ou entre des individus d’espèces différentes. Explications avec Katia Nicolet, docteure en biologie marine, tandis que nous nous trouvons aux Galápagos !

Volcan Sierra Negra, Galapagos

Notre navire est actuellement sur l’archipel des Galápagos, un chapelet d’îles volcaniques à 1000 km du continent sud-américain, qui sont sorties de l’eau il y a environ 5 millions d’années. La vie a colonisé ces terres via la dispersion de graines grâce au vent ou bien avec l’arrivée accidentelle d’animaux par l’air ou par radeaux naturels de végétaux. Très peu d’espèces ont survécu à ce périple, pouvant parfois durer des semaines sans eau ni nourriture et sous un soleil de plomb.

Ceci explique la sur-représentation de certains groupes d’animaux plus tolérants à la dessiccation, comme les reptiles, alors que d’autres groupes, comme les insectes et les amphibiens, sont sous-représentés. Mais si on pouvait s’attendre à ce que les espèces d’un même groupe entrent en concurrence pour l’accès à ces nouvelles ressources, on observe plutôt le phénomène inverse. Et si la coopération était au cœur même de la vie sur ces îles ?

Sur les traces de Darwin

L’archipel des Galápagos fait apparaitre à l'esprit le voyage légendaire de Charles Darwin, naturaliste de génie et co-inventeur de la théorie de l’évolution par voie de sélection naturelle. Darwin visita ces îles en 1835, lors de son tour du monde à bord du Beagle. Il y observa de nombreuses espèces et réalisa que beaucoup étaient très similaires, avec seulement quelques différences par rapport aux espèces du continent.

Les moqueurs des Galápagos, tout particulièrement, ont inspiré Darwin, qui était convaincu que les quatre espèces présentes sur les îles avaient un ancêtre commun très récent. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Gustavo Jiménez, curateur à la fondation Charles Darwin sur l’île de Santa Cruz.

Retour aux sources

Tout d’abord, retournons aux fondamentaux de la théorie de l’évolution de Darwin. L’évolution par sélection naturelle, d’après Darwin, dépend majoritairement de la “réussite à engendrer des progénitures”. Cette phrase a été souvent simplifiée par “la survie du plus apte”, le plus apte devenant synonyme du plus fort et du plus compétitif. Pourtant, les individus bénéficient souvent d’un travail collaboratif.

La coopération, donc, est parfois la clé.

Iguanas in Muros de la Lagrimas, Galapagos

Pendant longtemps, la coopération était perçue comme non-viable, puisque les tricheurs pourraient abuser d’un individu coopératif (prendre sans donner) jusqu’à ce que la relation se brise. Cependant, la coopération est véritablement partout dans la nature : les plantes transmettent leurs nutriments aux autres, les poissons se débarrassant entre eux des parasites sur leurs écailles, les fourmis construisent leur fourmilière ensemble, les prédateurs chassant en meute et les abeilles sacrifient même leur propre vie au profit de la ruche.

Dans la nature, la coopération est un principe fondateur de diversité, complexité et résilience, qu’il s’agisse de collaboration entre les membres d’une même espèce ou entre des individus d’espèces différentes.

Troquer plutôt que pirater

Pour pallier le manque d’insectes pollinisateurs, les plantes des Galápagos ont co-évolué avec les oiseaux pour disperser leurs gamètes. D’une unique espèce de pinson qui colonisa les îles il y a 2 millions d’années, 13 espèces se sont développées, chacune avec un type de bec spécifique, spécialisé dans la collecte de différentes sources d’aliments : les graines de cactus, le nectar de fleurs et les insectes néfastes pour la plante. Les oiseaux bénéficient d’une source d’alimentation, les plantes d’un nouveau pollinisateur : ensemble, ils ont permis de créer petit à petit les écosystèmes que nous connaissons aujourd’hui.

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Un autre exemple de coopération est celui des reptiles avec les oiseaux. Aux Galápagos, il n’est pas inhabituel de voir un pinson sautiller sur le dos d’un iguane ou d’une tortue géante, l’inspecter de près et lui retirer les cellules mortes et parasites de la peau. Encore une fois, chaque espèce trouve des bénéfices dans cette interaction : l’oiseau y gagne un repas facile, tandis que cela permet au reptile de rester propre et en bonne santé.

Dans cet exemple comme dans le précédent, les individus d’espèces différentes dépendent les uns des autres, et les interactions sont fréquentes, ce qui permet une coopération basée sur la réciprocité - du troc plutôt que de la piraterie.

  • Un pinson sur le dos d'un iguane
  • Un pinson sur le dos d'un iguane
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Toujours ensemble

À travers l’histoire de la terre, la coopération a permis de changer le cours de l’évolution de la vie, lui faisant atteindre de plus hauts niveaux de complexité et d’organisation. Un des premiers exemples majeurs est l’origine de la multicellularité. Nos cellules descendent toutes d’organismes unicellulaires, qui ont un jour basculé de la compétition entre elles à la coopération dans le but de fonctionner en tant qu’unité cohérente. De manière similaire, les mitochondries présentes dans les eucaryotes et les chloroplastes dans les cellules des végétaux descendent de bactéries autonomes, qui ont abandonné leur autonomie au profit d’une existence coopérative.

Quand on y pense, notre propre vie dépend de la collaboration de millions, de milliards ou même de billions de cellules travaillant ensemble à la formation de nos tissus et organes, mais aussi à la coopération de milliers de bactéries présentes sur notre peau et dans notre estomac qui nous permettent de digérer les aliments ou de combattre les pathogènes extérieurs.

Tout ce que l’on mange, boit, construit ou utilise provient de la nature et dépend des propriétés spécifiques d’autres organismes. Les plantes, par exemple, produisent de la matière organique et émettent de l’oxygène par un processus appelé photosynthèse. Sans elles, nous ne pourrions pas respirer ou nous alimenter. Sans en avoir conscience, nous dépendons de la survie de milliards d’organismes, chacun d’entre nous interconnecté dans la matrice de la vie.

Peut-être est-il temps de changer notre façon de regarder la nature et de ne plus se concentrer uniquement sur le lion qui tue l’antilope, mais aussi de voir le pinson sur le dos de la tortue. Tout comme eux, nous avons tout à gagner à favoriser la coopération plutôt que la compétition.