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Rendre nos sociétés humaines plus résilientes à l'heure du COVID

Cette semaine marque le 5ème anniversaire des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Après des années de progrès, la crise sanitaire de 2020 a affecté les avancées réalisées dans bon nombre de ces objectifs. Katia Nicolet, docteure en biologie marine et conseillère scientifique d'Energy Observer, nous invite à explorer les liens entre la nature, le développement humain et la propagation des épidémies. En reconnaissant notre dépendance avec la nature, nous pouvons commencer à rendre nos sociétés humaines plus résilientes.

Photo en drone de la mangrove

Les services écosystémiques

Les écosystèmes terrestres et aquatiques et la biodiversité qu'ils soutiennent fournissent la nourriture, l’eau potable et l'air pur essentiels à la vie humaine. Les forêts couvrent près d'un tiers de la surface du globe, et les services écosystémiques qu'elles fournissent sont inestimables. Les écosystèmes forestiers maintiennent, régulent et améliorent la fertilité et la stabilité des sols, ce qui contribue à atténuer les effets des tempêtes, des inondations et d'autres catastrophes naturelles, tout en synthétisant la moitié de l'oxygène présent dans l'atmosphère. Contenant plus de 80 % de la biodiversité terrestre, les forêts fournissent aussi les matières premières nécessaires à la croissance économique. En 2011, la valeur économique des forêts dans le monde était estimée à 16,2 trillions de dollars. Les bassins versants et les zones humides forestières permettent de nettoyer et filtrer l'eau, fournissant près de 75 % de l'eau douce de la planète.

Les océans constituent un autre écosystème essentiel sans lequel la vie humaine ne serait pas possible sur Terre. Couvrant plus de 70 % de la surface terrestre, l'océan régule le climat et les systèmes météorologiques mondiaux, soutient le cycle des nutriments et de la production primaire, et génère notre atmosphère. Les océans produisent 50 % de l'oxygène que nous respirons et sont responsables de l'absorption de 10 gigatonnes de CO2 par an. Plus important encore, la plus grande partie de la chaleur du soleil entrant à l'équateur est redistribuée par les courants océaniques vers les pôles, créant ainsi les conditions climatiques présentes sur Terre. Les océans absorbent également jusqu'à 90 % de la chaleur excédentaire produite par les activités humaines, ce qui en fait le plus grand régulateur dont nous disposons contre le changement climatique. Les océans abritent 80 % de tous les organismes vivants sur Terre, et constituent la principale source de protéines pour les pays tropicaux en voie de développement.

Schéma d'interconnexion des ODD

Les écosystèmes et leurs services sont étroitement liés les uns aux autres. Les océans fournissent de la nourriture à l'humanité, régulent le climat, et génèrent les systèmes météorologiques à l’origine des nuages et des pluies sur les sols. La pluie est filtrée par les forêts et les zones humides afin de produire de l'eau potable propre pour soutenir la vie. L’ensemble de ces services écosystémiques est à la base d'une vie humaine saine et prospère.

Malheureusement, la croissance démographique, l'intensification de l'agriculture et l'urbanisation entraînent une destruction rapide de l'environnement. L'agriculture, par exemple, représente 70 % des prélèvements d'eau dans le monde. En conséquence, 2,2 milliards de personnes sont touchées par le stress hydrique, manquant d’accès à une eau potable propre. Par la déforestation, la surpêche et l'intensification des catastrophes naturelles liées au climat, les impacts humains dégradent les habitats naturels, entraînant l'extinction d'espèces, une diminution de la biodiversité, et la perte de services écosystémiques.

L’interconnexion des objectifs de développement durable

Les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ont été lancés en 2015 dans le but de mettre fin à la pauvreté et de placer le monde sur la voie de la paix, de la prospérité et des opportunités pour tous sur une planète saine. Chaque citoyen⸱ne a le droit à l'eau potable, une alimentation suffisante, des installations sanitaires adéquates, l'accès à une énergie propre et abordable, l'éducation et aux soins de santé. Les 17 ODD ne demandent rien d'autre qu'une transformation de nos sociétés pour garantir ces droits humains dans tous les pays.

Cependant, un objectif ne peut être atteint seul, les ODD représentant un réseau hautement intégré de défis qui ne peuvent être relevés qu’ensemble. Heureusement, une grande majorité de ces objectifs sont liés de manière positive, le fait de travailler à la réalisation d'un objectif aidant à en résoudre un autre. Dans une étude récente du International Council for Science, l’examen des liens entre les 17 ODD et leurs 169 objectifs a permis de constater que sur les 316 interactions identifiées, 238 étaient positives, 66 négatives et 12 neutres. La plupart des objectifs et cibles travaillent donc en synergie, où l'un profite à l'autre. L'étude a néanmoins souligné la nécessité de coordonner les politiques de développement pour garantir que certains des objectifs soient atteints dans les limites environnementales.

L’interconnexion entre la nature et les ODD à l'heure du COVID

Bateau avec des pêcheurs à Haïti

Une vie humaine sûre, saine et prospère ne peut être atteinte sans des écosystèmes forts et résistants qui fournissent leurs services vitaux. Par exemple, une baisse de la santé et de la productivité des océans due à des pressions humaines croissantes constitue une menace majeure pour la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la croissance économique, en particulier pour les populations côtières. Nous ne pourrions pas respirer sans les océans et les forêts de cette Terre. La vie humaine ne peut être séparée de la nature.

Cela n'a jamais été aussi évident qu'aujourd'hui, alors que l'ensemble de la population humaine est confronté à une pandémie sans précédent, qui ne laisse pratiquement aucun pays indemne. La COVID-19 est une zoonose, c'est-à-dire une maladie capable de se propager entre les animaux et les Hommes. Ces types de virus sont relativement courants et ont déjà provoqué d'autres épidémies, comme le virus Ebola, la grippe espagnole ou le VIH. Les épidémies de zoonoses ont augmenté au cours des dernières décennies, et ce phénomène est probablement le résultat de la destruction des habitats naturels.

La corrélation entre l'apparition de nouvelles maladies et la dégradation des habitats peut s'expliquer par deux facteurs.

Le premier est l'augmentation du contact direct entre les animaux et les Hommes, l'expansion humaine détruisant et/ou fragmentant les habitats naturels. Ayant perdu leur habitat, les animaux s'aventurent dans les zones peuplées, et les humains pénètrent dans les zones de forêts restantes pour y collecter des matières premières, chasser et capturer des animaux sauvages pour le commerce.

Le deuxième facteur est la perte de biodiversité. À mesure que certaines espèces disparaissent, d'autres, comme les rats et les chauves-souris, deviennent plus nombreuses. Peu d'espèces en remplacent beaucoup, et ce sont généralement celles qui abritent des agents pathogènes capables de se propager vers l'espèce humaine.

Les risques d'épidémies sont donc liés à l'utilisation des terres, à la biodiversité, au climat et à des facteurs socio-économiques tels que l’enrichissement et les opportunités de développement des populations. S'ils n'ont pas d'autres choix, les gens continueront d’abattre des forêts pour gagner leur vie.

“Le développement durable est crucial. Si nous continuons à avoir ce niveau de déforestation, d'exploitation minière désorganisée et de développement non planifié, nous allons avoir plus d'épidémies.”

Ibrahima Socé Fall, responsable des opérations d'urgence à l'Organisation mondiale de la santé

Comment la crise du COVID a impacté des années de progrès

La crise a perturbé les progrès réalisés par de nombreux ODD, et a même fait reculer des années de progrès dans certains cas. Le rapport des Nations Unies sur les ODD pour 2020 avertit que la pandémie va replonger 71 millions de personnes dans l'extrême pauvreté d'ici la fin de l'année. Ce serait la première fois depuis 1998 que l'on assisterait à une augmentation de la pauvreté dans le monde. Sans surprise, la maladie a touché les personnes les plus vulnérables, celles dont le revenu dépend de l'économie parallèle, qui vivent dans des logements insalubres et n'ont qu'un accès limité aux soins et aux services de base.

La maladie a également touché les femmes de manière disproportionnée et a ralenti les progrès vers l'égalité. Les femmes représentent 70 % des travailleurs socio-sanitaires en première ligne pour faire face à la pandémie, les exposant davantage à une contamination au virus. Dans le monde entier les confinements ont entraîné une augmentation considérable des cas de violence domestique, qui ont augmenté de 30 % dans certains pays. Et si les femmes consacrent déjà trois fois plus de temps que les hommes aux travaux domestiques non rémunérés, la pandémie a ajouté des charges supplémentaires non rémunérées.

Les conséquences économiques sont tout aussi dramatiques, avec une récession mondiale qui s’annonce la plus grave depuis des générations. Les pays riches s'efforcent déjà de prévenir l'effondrement économique, et les nations les plus pauvres seront inévitablement les plus touchées. Certains pays sont déjà confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et les effets de bord de la crise du COVID ne feront qu'aggraver leur vulnérabilité.

Photo du drapeau des ODD à bord d'Energy Observer

Renforcer la résilience

Le mot clé pour demain doit être la résilience.

La résilience des écosystèmes terrestres et la résilience des sociétés humaines. C'est seulement en renforçant cette résilience que nous pourrons sortir par le haut de cette crise sanitaire et mieux nous préparer à affronter la véritable crise de fond : le changement climatique.

La bonne nouvelle, c'est que la nature est intrinsèquement résiliente. Il nous suffit de donner aux écosystèmes le temps de se rétablir en réduisant les pressions exercées par l'Homme sur ces systèmes. En réduisant nos émissions de CO2, en limitant les rejets de polluants dans les milieux naturels, en stoppant la déforestation et en régénérant certains habitats perdus, la nature se rétablira. L'humanité ne peut prospérer sans les services fournis par les écosystèmes, il nous appartient de gérer durablement ces ressources naturelles afin de garantir une terre saine aux générations futures.

La résilience humaine est également inscrite dans notre ADN. Tout en exacerbant nos vulnérabilités, la crise du COVID a également mis en évidence nos points forts. Les humains s'adaptent, ils résolvent les problèmes, ils trouvent de nouvelles façons de vivre, de créer et de se connecter les uns aux autres. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un plan pour un avenir meilleur, les principes sur lesquels les ODD ont été établis sont les clés de la construction de cet avenir. Les objectifs montrent la voie et peuvent aider les dirigeants à se concentrer sur l'inclusion, l'équité et la durabilité

Les solutions sont là et pouvons les mettre en œuvre.