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La géothermie, l’énergie de la Terre

L'énergie géothermique est une technique ancienne qui consiste à utiliser la chaleur interne de la Terre pour produire de l'énergie. Représentant moins de 1% du mix énergétique mondial, cette énergie renouvelable moins connue que l'énergie solaire ou éolienne offre toutefois un potentiel intéressant dans certaines géographies. Explications avec Beatrice Cordiano, experte en environnement, énergie et durabilité pour Energy Observer.

Un potentiel méconnu

L'impact environnemental des combustibles fossiles nécessite le développement de solutions énergétiques durables, qui n'émettent pas de gaz à effet de serre et répondent aux besoins énergétiques de la société. L'énergie géothermique figure ainsi parmi les énergies renouvelables prometteuses, et présente des avantages certains : abondance, disponibilité de ses ressources et faibles émissions.

Selon une étude récente menée par le Massachussets Institute of Technology (MIT), le potentiel d'énergie géothermique disponible sur notre planète est estimé à environ 12,6 x 1024 MJ. Sachant qu'en 2018, la consommation mondiale d'énergie s'élevait à environ 4 x 1014 MJ, cela signifie que la géothermie pourrait théoriquement couvrir à elle seule, les besoins énergétiques de la planète pendant un milliard d'années !

En réalité, seule une “petite fraction” de ce potentiel pourrait être utilisée, à condition que les technologies émergentes telles que les systèmes géothermiques améliorés (EGS) continuent à se développer, donnant ainsi accès à des ressources auparavant inaccessibles (ce qui représenterait malgré tout 2 x 1018 MJ, couvrant nos besoins pendant environ 5 000 ans...)

Tout d’abord, essayons de mieux comprendre ce qu'est la géothermie et comment cela fonctionne.

Une source d'énergie connue depuis l’époque romaine...

Le mot "géothermie" vient du grec ancien - geo (terre) et thermos (chaleur) - qui signifie littéralement "chaleur dans la terre". Cette forme d'énergie renouvelable est basée sur l'exploitation de la chaleur naturelle stockée dans le sous-sol de la Terre. L'homme exploite cette énergie depuis l'époque romaine, lorsqu'il l'utilisait pour se baigner et chauffer les maisons, par exemple à Pompéi.

On estime que les températures sous le substrat sont de l'ordre de 200 à 1 000 °C, tandis que le noyau de la Terre est supposé atteindre 3 500 à 4 000 °C en raison de la roche chaude en fusion appelée magma. Ainsi, la chaleur thermique circule naturellement par conduction, générant une différence de température d'environ 25°C/km, qui est utilisée pour des applications de chauffage/refroidissement ou exploitée pour produire de l'électricité.

L'énergie géothermique peut être trouvée pratiquement partout. Cependant, les fluides géothermiques - à savoir l'eau et la vapeur - ne remontent pas toujours naturellement à la surface. Ils le font là où la croûte n'est pas continue et leur permet de se frayer un chemin à travers les fractures et les discontinuités. En fait, les systèmes géothermiques les plus actifs se trouvent souvent dans les zones d'activité volcanique ou sismique et le long des plaques tectoniques.

… qui repose sur la nature

Dans les deux cas, des puits d'un kilomètre de profondeur doivent être forés pour accéder aux réservoirs souterrains et extraire les fluides géothermiques, qui sont ensuite souvent réinjectés dans le sol sans avoir été en contact avec l'atmosphère.

Certaines conditions doivent être réunies pour garantir la faisabilité d'un projet géothermique. Tout d'abord, le réservoir doit être accessible, et des puits doivent être forés à des profondeurs intéressantes : des techniques similaires à celles utilisées pour extraire le pétrole et le gaz sont adoptées.

En outre, le réservoir doit présenter une productivité suffisante : cela signifie que pour garantir une production à long terme avec une bonne rentabilité économique, le taux d'extraction doit équilibrer la production naturelle de la nappe aquifère. Si ce n'est pas le cas, la réinjection est indispensable.

De l'eau très chaude ou de la vapeur sont produites, et leur énergie est convertie en un produit commercialisable (électricité, chaleur industrielle ou chaleur aérienne).

La puissance de ce transfert d'énergie se manifeste grâce à des éléments naturels tels que les volcans, les geysers, les sources chaudes et les évents. L'activité géothermique traditionnelle s'est naturellement développée dans des sites volcaniques, à savoir autour de la "ceinture de feu" (l'ensemble du littoral entourant l'océan Pacifique), de la Californie jusqu'aux côtes du Chili, dans des "points chauds" comme Hawaï et l'Islande. Dans ces régions, les applications concernent principalement la production d'énergie renouvelable, qui nécessite des températures et des pressions très élevées des fluides entrant dans les turbines.

Malgré l'absence de volcans en Europe centrale, la production de chaleur géothermique connaît une croissance rapide grâce à des coûts de forage modérés et à l'utilisation de systèmes géothermiques à basse température (entre 90 et 110 °C), dont la chaleur est utilisée pour le chauffage central des habitations dans des pays comme la France, l'Allemagne, la Suisse et le Danemark ou pour chauffer des serres aux Pays-Bas.

La géothermie profonde

L'EGS (Enhanced Geothermal System) est une technique relativement nouvelle qui pourrait prendre de l’ampleur. L'énergie thermique des roches profondes est exploitée en créant un système de fractures artificielles interconnectées par stimulation hydraulique pour provoquer la circulation et l'ascension de la vapeur - qui sait, peut-être à l'avenir s'agira-t-il de CO2 ?.

Cette approche élargit considérablement la zone géographique propice à la production d'énergie géothermique et est très similaire à celle de la "fracturation", une technique utilisée pour extraire le gaz naturel et le pétrole. Elle s'accompagne toutefois d'un problème majeur : les tremblements de terre.

L'extraction de l'eau ou de la vapeur du sous-sol peut provoquer un lent enfoncement de la terre au-dessus avec le temps, et la réinjection des fluides pour compenser cet effet peut parfois déclencher de petits tremblements de terre. Le problème se pose lorsque les hautes pressions migrent et interagissent avec les fissures existantes. Dans ce cas, les ondes deviennent plus importantes et difficiles à gérer. C'est pourquoi les entreprises mettent en œuvre des mesures de sécurité via un "feu de signalisation" : si le tremblement de terre est faible, le feu est vert et l'extraction peut se poursuivre. Lorsque les secousses augmentent, les opérations doivent être ajustées et lorsque le feu est rouge et que le séisme est trop important, tout doit s'arrêter, du moins temporairement.

Un tel événement s'est récemment produit dans l'est de la France, où un tremblement de terre a été provoqué par une centrale géothermique profonde installée dans une ancienne mine de charbon.

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Un futur prometteur à certaines conditions

L'énergie géothermique n'est pas exempte d’inconvénients. Le processus d'extraction doit être pensé en fonction de contraintes de conception strictes imposées par les conditions géologiques, hydrologiques et lithologiques dominantes. Tout déchet doit être correctement traité et éliminé.

En outre, des mesures de sécurité doivent être adoptées en prenant en compte le fait que les fluides manipulés sont très chauds, sous pression, et peuvent provoquer la corrosion des équipements. Tout cela se traduit par des coûts d'investissement initiaux très élevés - la construction du puit représente à elle seule 40 à 50% du coût total du projet [8] - auquel il est possible de faire face grâce aux innovations technologiques, aux subventions gouvernementales et au soutien de la société.

Néanmoins, les avantages sont nombreux. Tout d'abord, c’est une énergie pouvant être considérée comme illimitée puisque le réapprovisionnement des aquifères souterrains est presque continu et que, si ce n'est pas le cas, des techniques sont adoptées comme mentionné ci-dessus.

Si le soleil ne brille pas toujours et le vent ne souffle pas en continu, la géothermie est stable 365 jours par an, 24 heures sur 24, indépendamment des conditions atmosphériques.

C’est une source énergétique qui peut assurer la stabilité de la charge de base, c'est-à-dire une alimentation électrique fiable et constante qui ne nécessite aucun stockage. Elle est sans émissions, ne nécessite pas de combustion, peut être largement distribuée et évolutive. En outre, on peut trouver de nombreuses similitudes entre l'extraction de chaleur géothermique et l'industrie des combustibles fossiles, notamment en ce qui concerne les techniques et les équipements de forage.

Enfin, elle a la plus faible empreinte foncière par rapport à d'autres sources d'énergie alternatives, et est génératrice d’emplois puisque les centrales géothermiques nécessitent un nombre important d’employés.

J'aime à penser qu'il existe un avenir prometteur au développement de la géothermie, à condition de valoriser cette énergie en toute sécurité et dans le respect de l'environnement.

Sources

MIT, The Future of Geothermal Energy, Impact of Enhanced Geothermal Systems (EGS) on United States in the 21st Century

IEA (2020), Renewables Information: Overview, IEA, Paris https://www.iea.org/reports/re...

IRENA (2017), Geothermal Power: Technology Brief, International Renewable Energy Agency, Abu Dhabi

Energia geotermica, una grande risorsa nascosta - Encyclopédie des énergies

Ruggero Bertani, Geothermal Energy: an overview on resources and potential

Ruggero Bertani, World Geothermal Generation 2001-2005:State of the Art, Proceedings World Geothermal Congress 2005, Antalya, Turkey (2005)

Gerald W. Huttrer, Geothermal Power Generation in the World 2015-2020 Update Report, Proceedings World Geothermal Congress 2020, Reykjavik, Iceland (2020)

5 things you should know about geothermal energy - Baker Hughes

Lessons South Korea solving geothermal earthquake problem - Stanford.edu

Geothermal Technologies Office, US DOE. GeoVision: Harnessing the Heat Beneath Our Feet - Analysis Inputs and Results. United States: N. p., 2019. Web. doi:10.15121/1572361

Geothermal Energy - British Geological Survey