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Retour sur 6 ans d'expérimentation photovoltaïque à bord

L'énergie solaire est la première source d'énergie primaire de notre navire laboratoire. Cette énergie est convertie en électricité, puis stockée dans notre parc de batteries ou sous forme d'hydrogène pour un stockage de longue durée. À bord, l'installation photovoltaïque est soumise à rude épreuve, en particulier dans les latitudes plus tropicales où notre catamaran est resté pendant deux ans, de mi-2021 à mi-2023. Nos ingénieurs réfléchissent en permanence à comment maintenir et améliorer ce rouage essentiel de notre mix énergétique. Explications avec Luc Bourserie, ingénieur des systèmes embarqués.

Le principe du laboratoire flottant

Depuis le début de l’Odyssée, l’énergie solaire est la principale source d’énergie primaire du bateau. Même lorsque le soleil n’est plus présent, c’est principalement l’énergie solaire qui a été convertie en électricité, puis stockée dans nos batteries ou sous forme d’hydrogène, qui est utilisée pour l’alimentation des systèmes, la vie à bord ou la propulsion en complément de l’éolien. Les équipes techniques d’Energy Observer ont de tout temps cherché à optimiser l’installation photovoltaïque du bateau et redoublent d’efforts aujourd'hui, alors qu'ils sont soumis à rude épreuve.

Rappelons qu'Energy Observer est un laboratoire flottant ! Notre navire sert avant tout à tester les technologies, notamment autour de la production et du stockage de l’énergie, dans des conditions extrêmes. Avec Solbian, partenaire technologique d’Energy Observer depuis le début de l’aventure, c'est l'occasion de tester des solutions photovoltaïques dans un environnement exigeant, et de les améliorer pour que cela puisse bénéficier à toutes sortes d'applications à terre et en mer.

Dans ce contexte, environ une fois par an, le bateau est mis en arrêt technique pour procéder, non seulement à de la maintenance et des réparations, mais aussi à des améliorations et des changements de technologies. Les objectifs sont l’optimisation des performances et de la fiabilité d’une part, mais également la diversification des tests que ce bateau laboratoire peut mener.

L’évolution de l’installation photovoltaïque de 2017 à 2020

A sa première mise à l'eau en 2017, Energy Observer était équipé de 95 m2 de panneaux solaires :

  • des panneaux bifaciaux développés spécialement par l’INES (Institut National de l’Energie Solaire) pour le navire, installés en suspension à l’arrière et sur les côtés de la nacelle pour pouvoir capter la lumière reçue directement du soleil mais aussi la lumière réfléchie par l’eau et la coque du bateau.
  • des panneaux monofaces, légers et souples fournis par Solbian, collés sur le toit de la nacelle.

Comme on peut le voir sur la première vue aérienne ci-dessous, de larges parties du bateau (les flotteurs, les coffres hydrogène ou encore les bras de liaison) n’étaient pas encore exploitées.

Photo aérienne du bateau à son lancement en 2017

Dès 2018, lors du premier chantier technique depuis son inauguration, l’installation solaire a été étendue. Comme on peut le voir sur la seconde vue aérienne :

  • Le toit de la timonerie (poste de conduite du bateau) ainsi que les coffres qui abritent les réservoirs d’hydrogène ont été recouverts de panneaux solaires souples et lisses.
  • L’intégration des panneaux sur le toit de la nacelle a été optimisée afin d’avoir une surface plus importante. Cela a été possible grâce à des panneaux texturés fournis par Solbian, ce qui les rend moins glissants, sur lesquels il est donc possible de marcher. Il n’était donc plus nécessaire de laisser autant d’espace où marcher entre les panneaux.
  • Enfin, une partie des flotteurs a aussi été recouverte de panneaux souples.
Photo aérienne du bateau après le chantier de 2018

Lors du chantier de 2019, la modification de l’installation photovoltaïque a consisté dans le recouvrement presque complet des flotteurs par des panneaux souples et texturés. Enfin, dernières modifications en date, en 2020, avant son départ pour le tour du monde, l’ajout de panneaux souples sur les bras de liaison mais aussi sur les « casquettes » des flotteurs.

Entre 2017 et 2020, l’installation photovoltaïque a donc souvent été optimisée et étendue, pour passer de 95m2 pour une puissance de 16,5kWc au départ de l’aventure, à 202m2 pour une puissance de 33kWc aujourd’hui.

  • Figure 3 - Photo aérienne du bateau après le chantier de 2019
  • Photo aérienne du bateau après le chantier de 2020
  • Installation photovoltaïque actuelle
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Un an sous les tropiques : des panneaux mis à rude épreuve

De son arrivée à Hawaii en mai 2021 et jusqu’à mai 2023 au moment de rejoindre l’Afrique du Sud, notre navire laboratoire a évolué sous les tropiques et l’équateur, donc dans les zones les plus chaudes de la planète. On pourrait se dire que c’est une situation optimale pour Energy Observer et sa production électrique à base de panneaux solaires, mais c'est loin d'être le cas.

  • Navigation à Langkawi, Malaisie
  • Trajet d'Energy Observer sous les tropiques depuis mai 2021
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Les fortes chaleurs ne font pas bon ménage avec nos panneaux photovoltaïques : en instantané, celles-ci limitent la puissance que les panneaux solaires peuvent fournir. À partir d’une certaine température, environ 25° Celsius, la puissance électrique délivrable par un panneau diminue avec l’augmentation de la température (exemple : environ -0,4%/°C pour les panneaux Solbian série SX).

À moyen et long terme, la haute température prolongée des panneaux accélère le vieillissement de leur encapsulage et diminue donc aussi leur rendement. Or, il nous arrive très régulièrement sous les tropiques que la température des panneaux atteigne les 75°C ! Le système photovoltaïque peut donc parfois souffrir de baisses de rendement de 20% environ, seulement dues à la température élevée des panneaux photovoltaïques.

Dans ces conditions, les panneaux bifaciaux suspendues souffrent beaucoup moins de cette chaleur étant donné que leur configuration permet leur refroidissement par l’air passant des deux côtés des panneaux, même à faible vitesse, là où les panneaux coller à la coque se refroidissent beaucoup moins bien.

Evolution de la température des panneaux solaires entre mai 2021 et octobre 2023

NB : il a été remarqué qu’au vu de son intégration, le capteur de température était représentatif de la température des panneaux photovoltaïques bifaciaux mais qu’il existait un décalage avec la température des panneaux collés à la coque qui se refroidissent moins facilement. Pour donner un exemple, lorsque la mesure réalisée par le capteur fournissait une valeur de 62°C, les panneaux collés à la coque ont pu être mesurés entre 75°C et 80°C.

Sur le graphique ci-dessus présentant l’évolution de la température entre mai 2021 et juillet 2023, on peut mettre en évidence deux phénomènes :

  1. A quel point les températures ont significativement changé aux passages des tropiques. Une augmentation au moment d’arriver sous les tropiques en mai 2021, une forte baisse au moment de sortir des tropiques, en mai 2023.
  2. Le maintien de températures élevées, reconnues comme impactantes pour les performances et le vieillissement des panneaux solaires, pendant deux ans.

Mais sous ces latitudes, il n’y a pas que la chaleur, il y a aussi de forts taux d’humidité. Luca Bonci, CEO de Solbian, nous confirme que la combinaison de fortes radiations ultra-violettes, de fortes chaleurs et d’humidité accélère le vieillissement du revêtement des panneaux solaires, qui peuvent avoir tendance à cloquer, à laisser infiltrer de l’humidité entre les films protecteurs, ou à jaunir. Ces évolutions ont un impact sur l’efficacité voire sur l’intégrité des panneaux. Sur certaines portions de notre installation solaire, nous avons pu observer une baisse d’efficacité de 20 à 30%, combinaison de vieillissement et de casses de panneaux. Car en plus de la chaleur, le bateau a traversé quelques tempêtes tropicales et encaissé des vagues violentes sur et sous ses panneaux solaires...

Illustration de l'infiltration d'humidité entre les films des panneaux solaires

Un laboratoire oui, mais testé en conditions réelles

Dans la recherche et l’industrie, une des difficultés lorsque l'on teste de nouvelles technologies est de déterminer comment elles vont vieillir dans le temps, sans disposer du recul nécessaire pour l'établir avec certitude. Les méthodes de tests pour tenter de prédire le vieillissement d’une technologie, c’est de générer un vieillissement accéléré, en les faisant fonctionner dans des conditions extrêmes. Naviguer sous les tropiques est donc une très bonne expérience offerte par notre navire-laboratoire pour tester le vieillissement de ces panneaux, mais aussi des autres technologies présentes sur le bateau. Toutes les observations ainsi relevées permettent d'adapter, d'optimiser et de fiabiliser plus rapidement ces technologies, sur un laps de temps plus court que dans des tests en laboratoires ordinaires.

Depuis le départ de France en 2020, l’architecture photovoltaïque d’Energy Observer n’a pas changé. En revanche la maintenance du système a été nécessaire au cours de chacun des arrêts techniques effectués par le bateau, à Singapour, en Malaisie, aux Seychelles ou au Cap, par le remplacement des panneaux cassés ou ayant vieillis prématurément ou par la remise en état des panneaux. L'objectif est de garder un rendement énergétique suffisant qui nous permette de poursuivre à bonne vitesse moyenne nos prochaines traversées océaniques, durant la suite de l'Odyssée.

Quelle vie pour les panneaux après le navigation ?

Le recyclage des panneaux solaires est évidemment une préoccupation centrale, car la production de matériaux nécessaires au photovoltaïque n'est pas sans impact sur l'environnement. Beatrice Cordiano, notre experte en énergie, s’était ainsi penchée sur le sujet il y a quelques mois déjà : Le recyclage des panneaux solaires : un défi de taille.

En outre, ce n'est pas parce qu'un panneau solaire voit son rendement diminuer qu'il n'est plus utilisable. Durant notre escale à Singapour, nous avions ainsi fait don de certains de nos panneaux à l’International French School de Singapour pour que les élèves puissent se livrer à des expérimentations en classe. Si le rendement n'était plus suffisant pour répondre aux besoins énergétiques de notre navire, il l'était pour les besoins de la fontaine à eau des lycéens.

  • Don de panneaux solaires à l'école française de Singapour
  • Don de panneaux solaires à l'école française de Singapour
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Enfin, rien n’est moins impactant que de prolonger la durée de vie des panneaux lorsque cela est possible. Les panneaux flexibles lisses fournis par Solbian, qui ont pu jaunir sous l’effet du soleil intense et prolongé (comme les phares de votre voiture), peuvent être « polishés », afin de retirer la fine couche supérieure dégradée et ainsi retrouver un panneau comme visuellement comme neuf. Solbian vous en dit plus sur cette méthode dans cet article disponible sur leur site web. Cette remise en état des panneaux est autant esthétique que technique, puisque cette couche jaunie absorbe une partie de la lumière et diminue donc les performances du panneaux solaires.

Photo des premiers essais de polish sur les panneaux photovoltaïques Solbian : mise en évidence du retrait du jaunissement sur la zone polishée

Un partenariat historique avec Solbian

Pour Solbian, fabricant de panneaux solaires basé en Italie, être partenaire d’Energy Observer permet de mettre en pratique ses innovations dans une application concrète et extrême.

C’est le plus gros partenariat technologique à ce jour pour l’entreprise piémontaise.

Les retours d'expérience et observations des équipes d’Energy Observer ont permis de travailler sur les techniques et matériaux d’encapsulation. Luca Bonci nous apprend aussi que pour eux, l’intégration électrique spécifique de leurs panneaux photovoltaïques sur notre navire, et les échanges avec nos équipes à ce propos leur permettent d’avoir aujourd’hui une vraie valeur ajoutée dans les discussions avec leurs clients, quant à la meilleure manière d’intégrer leurs produits sur d’autres projets.

Cette collaboration industrielle et technologique commence donc en mer mais se poursuit à terre, contribuant à rendre accessibles des solutions photovoltaïques fiables et durables au plus grand nombre.

“Energy Observer est sans aucun doute notre laboratoire le plus important dans la vie réelle. Sur le bateau, nous avons pu tester différentes technologies pendant une longue période, avec une exposition continue aux conditions météorologiques les plus exigeantes et sur un grand nombre de panneaux. Nous sommes très heureux de la coopération avec les collaborateurs du projet, et leur attitude positive nous a permis d'améliorer la qualité de la technologie solaire de Solbian. Nous ne pouvons qu'être enthousiastes à l'idée de poursuivre ensemble une telle expédition.”